Alors qu’on avait appris la veille la nomination comme ministre de l’Éducation nationale de son président Pap Ndiaye, le musée de l’histoire de l’immigration recevait les éditeurs du salon LittExil le samedi 21 mai ainsi que plusieurs auteurs pour témoigner des parcours de vie comme de la diversité des situations des migrants dans le monde. La « petite maison d’édition indépendante qui raconte le monde aux Français et les Français au monde » était largement représentée par de nombreux autrices et auteurs. Michèle Barbier (autrice de deux biographies sur Jacques Chevallier, dernier maire français d’Alger et Joséphine Baker) rentrait tout juste de Chicago où elle a chanté pour raviver la mémoire de la star mondiale ; David Hury intervenait pour dédicacer son « Mustapha s’en va-t-en guerre » et en débattre avec d’autres auteurs autour de « Récits de vie, récits d’exil »; Yanne Dimay (« Une pierre dans le cœur ») engageait une longue discussion avec Jitka de Préval (« Camille Legrand, un opérateur Pathé sur la route des Indes »), Leila Latreche (« Géopolitique des villes d’Algérie », « de Tunisie »), Hatem Nafti (« De la révolution à la restauration, où va la Tunisie ? ») et Marie-Christine Volovitch-Tavares de la revue partenaire Exils et Migrations ibériques. Le lieu – Le Palais de la Porte Dorée – est un grand livre de dessins coloniaux et arts nouveaux hauts en couleur; le cercle des éditeurs était bien fourni et le programme intéressant. Dommage que le public ait préféré profiter du soleil ou de la foire du trône toute proche…
Jacques Chevallier, le dernier maire français d’Alger
S’il est un nom qui soulève encore des réactions passionnées chez ceux qui ont vécu les dernières années de l’Algérie française, c’est bien celui de Jacques Chevallier.
Député-maire d’Alger, secrétaire d’État aux Armées puis ministre de la Défense dans le gouvernement Mendès France, ce personnage haut en couleurs a été un des rares à chercher désespérément la meilleure façon de maintenir l’Algérie sous influence française, alors que l’indépendance commençait à paraître comme inéluctable. Libéral, ouvert au dialogue, profondément humain, auteur d’un ouvrage, Nous, Algériens, publié dès 1958 chez Calmann-Lévy, il fut à la fois rejeté par les tenants du système français et par les combattants algériens engagés sur la voie de la coupure définitive. Mais c’est à lui que firent appel le général Salan et le chef de l’OAS Jean-Jacques Susini pour élaborer les accords avec le FLN qui tendaient à préserver les intérêts des Européens dans une Algérie indépendante. Resté à Alger après 1962, il prendra finalement la nationalité algérienne.
Voici le portrait d’un homme profondément attaché à l’Algérie, représentatif d’une époque où les valeurs établies faisaient place, dans la violence, à l’ère mondiale de la décolonisation.
Mustapha s’en va-t-en guerre
RENTRÉE LITTÉRAIRE 2021
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Paris, 1961. Un attentat de l’OAS dévaste un hôtel rue Mouffetard. Son patron agonise sous l’œil d’un policier, son ami d’enfance. Mais comment ont-ils pu en arriver là ?
De janvier 1929 à novembre 1962, le roman suit le parcours de Mustapha, né dans l’oasis de Figuig au Maroc. Arrivé en France en 1939, il est enrôlé et fuit à Londres après la débâcle de 1940. Une nouvelle vie commence : il intègre les réseaux de Résistance et change d’identité pendant les heures sombres de l’occupation allemande. Une route qui le mènera à s’engager dans les années 50-60 en faveur de la lutte du FLN à Paris.
Inspiré de faits réels, ce roman traverse trois décennies de l’histoire française et maghrébine, entre la colonisation, la collaboration pendant la Seconde Guerre mondiale et le combat pour l’indépendance de l’Algérie.
L’auteur nous embarque dans une saga familiale, un récit politique au plus près de l’actualité et une quête de liberté. Une histoire en résonance avec les grandes questions d’aujourd’hui sur nos origines et nos parcours, nos choix et nos compromissions. Un grand roman d’amour, d’amitié et de trahison.
Généalogie des villes de Tunisie. Au carrefour de deux mondes
Tunisie : terre conquise et reconquise. Aux portes du Maghreb, voici le pays le plus profondément urbanisé de la région, et sa population conserve de longue date une forte tradition citadine. Voyager à travers les villes et villages de la république tunisienne permet de découvrir, stratifiée comme un mille-feuille de brick, sa riche histoire. Une foule de détails rappellent cette destinée carthaginoise, punique, berbère, romaine, vandale, byzantine, arabe, turque mais aussi pour une autre lignée plus brève : italienne, espagnole, française… Dans ce creuset se mêlent différentes cultures qui donnèrent aux villes de Tunisie des appellations différentes. L’autrice s’ingénie à en retrouver toutes les origines et les significations et, au final, offre ici un récit en kaléidoscope de ce pays charnière au carrefour de deux mondes.
Croisant de nombreuses sources, mémoires et toponymies, l’ouvrage se présente comme un dictionnaire historique enrichi d’illustrations et d’une iconographie à la fois scientifique et esthétique.
Ce livre est un must pour tous les amoureux de la Tunisie, d’ici et de là-bas.
Camille Legrand. Un opérateur Pathé sur la route des Indes. 1895-1920
Introduction : Stéphanie Salmon
Préface : Priska Morrissey
Fin du XIXe siècle, l’entreprise de Charles Pathé est à ses débuts. Mais avec l’explosion technologique et la conquête européenne du monde, la Compagnie générale des cinématographes, phonographes et pellicules – connue sous le nom de Pathé frères en Extrême-Orient – va devenir la première multinationale française. Il y a une soif d’images de l’Orient le plus lointain en Occident, mais le cinématographe rencontre un succès immédiat aussi auprès des populations de la péninsule indienne, de l’Indochine, de Singapour, de la Chine, du Japon, de l’Indonésie et de l’Australie. Deux destins se scellent en 1895, celui d’un industriel d’exception et celui d’un mécanicien-aventurier : Camille Legrand. Il est le premier opérateur partant à la chasse aux images « pittoresques » dans cette zone géographique pour le compte de Pathé frères entre 1905 à 1920. En Inde, il met en scène des films réalisés pour la société Madan Theatres de Calcutta avec une très grande vedette indo-iraquienne, Patience Cooper.
Au gré des voyages caméra au poing, on croise les grands événements de l’époque : les couronnements d’Edouard VII et de George V à Delhi, le transfert de la capitale de Calcutta à Delhi, la naissance du mouvement nationaliste indien, la construction du premier empire cinématographique en Inde, la Grande Guerre, la propagande française en Extrême-Orient, la création d’une nébuleuse de succursales et d’agences Pathé d’Extrême-Orient (Calcutta, Singapour, Melbourne, Sydney, Batavia, Saïgon, Shanghai, Bombay), la création de la première fiction bengalie et d’autres événements historiques et cinématographiques.
L’ouvrage, issu d’un riche travail d’archives, se lit pourtant comme un roman d’aventure et redonne vie à un de ces pionniers du 7e art qui ont contribué à faire de Pathé pendant la première décennie du XXe siècle la société de cinéma la plus importante au monde.
Une pierre dans le cœur
Trois femmes en Terre Sainte. Marianne Dulac, professeur de Lettres, part en Israël pour assister à la prise de voile de sa nièce Émilie au couvent des bénédictines d’Abou Gosh. Elle découvre la situation dramatique de la Cisjordanie, de l’autre côté du mur. Alice Al Awdha, née d’une mère Belge et fille du conseiller du ministre de la Sécurité palestinienne, fait une fugue et disparaît. Elle a rencontré son destin, s’appelle désormais Dima et veut être moudjahidine. Tandis que son père met tout en oeuvre pour la retrouver et démanteler le groupe qu’elle a rejoint, Marianne Dulac s’engage pour un programme d’atelier d’écriture auprès des étudiants de Cisjordanie et de Gaza. Leur destin va se croiser au check-point de Qalandia.
De la révolution à la restauration, où va la Tunisie ?
Préface de Pierre Haski
Une fois encore, la Tunisie est à la croisée des chemins. Les élections générales de l’automne 2019 – bousculées par la mort prématurée du président Essebsi – ont rebattu les cartes. Si les électeurs ont clairement choisi, avec Kaïs Saïed, un président austère et sans parti, ils ont en revanche composé une Assemblée multicolore d’islamistes, de progressistes divisés, d’opportunistes ou de nostalgiques de l’ancien régime qui promet des nuits blanches au gouvernement quel qu’il soit. Les temps qui viennent montreront si le pays de la seule révolution qui a pris à la suite des « Printemps arabes » est gouvernable ou pas. Car, neuf ans après la chute du dictateur Ben Ali, la Tunisie n’en finit pas avec sa « transition », entre acquis révolutionnaires et restauration de l’ancien monde. Elle s’enlise dans une crise économique et sociale qui pousse à l’exil les plus pauvres comme les plus diplômés. Comment en est-on arrivé là ? Et quels scénarios pour la suite ?
À travers une exploration de la réalité politique, économique et sociale de ce pays-clé du Maghreb, un « fils de la révolution » analyse les causes du désenchantement des Tunisiennes et des Tunisiens. Croisant données empiriques et regards des experts, il remonte le cours laborieux de l’édification d’un État de droit. Un enjeu crucial pour l’avenir du pays mais aussi pour ses partenaires comme la France.