Après deux annulations, les années précédentes, le formidable festival Etonnants-Voyageurs a accueilli son public en grand et en vrai du vendredi 3 au lundi 6 juin avec quelque 150 auteurs et réalisateurs de films sur une vingtaine de sites. Riveneuve, déjà présente en 2019 avec Titi Robin et Loïc Hervouet, a cette fois doublé la mise avec quatre auteurs : le musicien-poète Titi Robin, le scientifique-romancier Jean-Louis Coatrieux, le photographe américain Jonathan Daitch et l’essayiste franco-tunisien Hatem Nafti. Sous un ciel breton – giboulées, plein soleil et grand vent – tout le monde est heureux de se retrouver et les rencontres fortuites ou attendues commencent dès le voyage en TGV affrété tout exprès pour le festival : l’ancien consul général de France à Jérusalem Régis Koetschet invité pour son ouvrage sur Malraux en Afghanistan ; toute une délégation d’écrivains tunisiens pour un focus sur la littérature, le cinéma et la société dont l’architecte-romancier Mohamed Harmel ou le journaliste Hatem Bourial qui ont participé à la revue Riveneuve Continents ; le journaliste Pierre Haski dont les préfaces de nos ouvrages géopolitiques sont très appréciées ; le spécialiste de Rimbaud Alain Borer qui assure que le fondateur de Riveneuve Alain Sancerni est « son frère de lait » ; le poète-romancier haïtien Lyonel Trouillot à qui l’on remet le roman de son compatriote Jean-Robert Léonidas « Comme un arbre planté dans le jardin du Bon Dieu », l’avocat-romancier libanais Alexandre Najjar rencontré voici quelques années à Beyrouth, etc. Dès le vendredi, journée des professionnels, Jonathan Daitch donne la réplique à Muriel Montserrat, la veuve du dramaturge Ricardo Montserrat qui a toujours écrit sur les exclus et les dominés, après la projection du film « The Journey of others » sur l’improbable tournée à New York d’acteurs palestiniens du Freedom Theater et avant la dédicace de son beau livre « Voix du théâtre en Palestine, 50 acteurs témoignent ». D’ailleurs, Jonathan, épaulé par son épouse Marie-Renée, multiplie les contacts et conquière son public à chaque intervention : « Allez là-bas, ce n’est pas pour « la cause palestinienne », c’est juste pour rencontrer des gens comme nous qui, comme nous, ont besoin de rencontrer des gens ! » Et assurément, « réenchanter le monde » mais aussi « ré-humaniser le monde » sont les maîtres-mots de ce 32e festival qui a orchestré de grands débats avec notamment le prix Goncourt Mohamed Mbougar Sarr, le Martiniquais père de la « créolité » et de la « mondialité » Patrick Chamoiseau ou le philosophe sénégalais, professeur à Columbia et auteur aussi chez Riveneuve, Souleymane Bachir Diagne sur la thématique des migrants, de l’hospitalité et du refus de l’inhumain. « Ubuntu, ce concept du Sud de l’Afrique, a rappelé Souleymane Bachir Diagne, signifie : « Je suis parce que nous sommes », on est humain parmi les humains sinon on reste dans la pensée tribale et des concepts comme « le grand remplacement » appartiennent à la pensée tribale ». Les échanges se poursuivent avec les lecteurs sur les stands d’une grande halle tenus par les libraires comme Le Failler pour Riveneuve ou sa consœur Elyzad ou bien par des confrères indépendants comme les éditeurs liés au voyage Magellan ou L’Asiathèque croisés quelques mètres plus loin. C’est une course incessante entre les lieux et les événements, avec le salon du livre comme point central. Titi Robin est intervenu dans cinq spectacles, débats ou lectures musicales – et notamment avec le poète et préfacier de son recueil de poésie Yvon Le Men – pour la soirée en hommage au fondateur du festival Michel Le Bris décédé l’an dernier. Sa pensée d’ailleurs a inspiré à chaque instant du programme sa fille Mélani et le président Jean-Michel Leboulanger qui aime à répéter à l’envie : « Pour l’amour DES livres, pas d’un seul livre qui conduit au totalitarisme ou à la guerre, mais des livres dans toute la diversité du monde et des hommes ». L’Ukraine a été évidemment à l’honneur, avec l’hommage à l’écrivain AndreÏ Kourkov, mais aussi l’Afghanistan autour du cinéma, d’exposition et d’auteurs comme Atiq Rahimi et sa fille qui ont formé un formidable trio avec Titi Robin sur les routes de la poésie, de la musique et de l’écriture « entre Orient et Occident ». Comme en écho, un débat interrogeant la « Judéité entre Orient et Occident » a réuni Jean-Louis Coatrieux pour « Tu seras une femme, ma fille », histoire vraie de la petite Erika fuyant le nazisme depuis l’Autriche jusqu’en France puis en Amérique latine, l’universitaire américain Alice Kaplan et l’historienne franco-tunisienne Sophie Bessis qui a publié une lettre ouverte à Hannah Arendt, par ailleurs préfacière du « Comprendre la Tunisie » de notre auteur Romain Costa. C’est l’occasion, une fois encore, de rappeler que « Maghreb » veut dire « Occident » (le couchant) en arabe, le Maroc étant ainsi l’Extrême-Occident, et qu’il faut se départir dès la géographie de ses préjugés et prérequis issus de l’orientalisme. Un discours que ne renierait pas Hatem Nafti, ravi de retrouver de nombreux amis et compatriotes emmenés par la dynamique chargée du livre Sarra Ghorbal de l’Institut français de Tunisie qui avait l’an dernier organisé un événement « Etonnants voyageurs » avec eux. Le fait est que le président du festival a promis de poursuivre l’œuvre et l’esprit de son fondateur, mais aussi de se réinventer en développant, à côté du grand rendez-vous de juin, de multiples événements en France et dans le monde. Pour l’amour des livres.
Voix du théâtre en Palestine. 50 artistes témoignent
La Palestine n’est pas qu’une Terre Sainte ou une zone de conflit, c’est aussi une scène culturelle avec ses poètes prestigieux, ses conteurs et ses comédiens de talent. Rien qu’en Cisjordanie, en y ajoutant Jaffa (près de Tel-Aviv), Haïfa (au nord) et Maghar (près du Golan), on n’y compte pas moins de 26 théâtres installés dans 11 villes ! Ces artistes veulent être reconnus pour leur art, mais aussi pour leur identité et leur incroyable résistance faite d’humour, de dignité et d’infinie tendresse pour leur public et leurs enfants sur une terre toujours contestée, annexée et occupée depuis des décennies.
Voici une invitation au voyage pour aller à la rencontre, de ville en ville, de théâtre en théâtre, de surprise en surprise, d’une cinquantaine de comédiennes et d’acteurs, d’administrateurs de théâtre et de régisseurs. Ils se racontent, décrivent leur travail, exposent leurs inspirations. Ils rejouent les anciens mythes ou les réalités du quotidien, le répertoire national ou international. Ils livrent leurs rêves et leur combat, les risques qu’ils prennent et aussi leur bonheur d’être accueillis, applaudis comme n’importe quel artiste.
De la révolution à la restauration, où va la Tunisie ?
Préface de Pierre Haski
Une fois encore, la Tunisie est à la croisée des chemins. Les élections générales de l’automne 2019 – bousculées par la mort prématurée du président Essebsi – ont rebattu les cartes. Si les électeurs ont clairement choisi, avec Kaïs Saïed, un président austère et sans parti, ils ont en revanche composé une Assemblée multicolore d’islamistes, de progressistes divisés, d’opportunistes ou de nostalgiques de l’ancien régime qui promet des nuits blanches au gouvernement quel qu’il soit. Les temps qui viennent montreront si le pays de la seule révolution qui a pris à la suite des « Printemps arabes » est gouvernable ou pas. Car, neuf ans après la chute du dictateur Ben Ali, la Tunisie n’en finit pas avec sa « transition », entre acquis révolutionnaires et restauration de l’ancien monde. Elle s’enlise dans une crise économique et sociale qui pousse à l’exil les plus pauvres comme les plus diplômés. Comment en est-on arrivé là ? Et quels scénarios pour la suite ?
À travers une exploration de la réalité politique, économique et sociale de ce pays-clé du Maghreb, un « fils de la révolution » analyse les causes du désenchantement des Tunisiennes et des Tunisiens. Croisant données empiriques et regards des experts, il remonte le cours laborieux de l’édification d’un État de droit. Un enjeu crucial pour l’avenir du pays mais aussi pour ses partenaires comme la France.
Tu seras une femme, ma fille
Mars 1939, à Vienne. La Nuit de cristal quelques mois auparavant n’a laissé derrière elle que menaces sur les murs, cris de haine dans les rues, agressions sans cesse plus nombreuses et disparitions soudaines. La peur s’installe. Les Juifs doivent décider de leur vie, rester et affronter le danger ou partir et se reconstruire ailleurs. Ses parents refusent d’abandonner leur pays ; son frère, accompagné de son épouse Lilly, choisit de tenter sa chance par bateau via le Danube. Erika, elle, n’est encore qu’une enfant – douze ans à un mois près – et ne sait rien de son destin quand elle monte dans le train Vienne-Paris. Elle récite dans sa tête un extrait du dernier poème écrit au tableau de son école : Si les oiseaux ne chantent plus, si les cloches ne sonnent plus, si les enfants ne rient plus, alors que reste-t-il du monde ? Que va-t-elle trouver en France où personne ne l’attend ?
Un roman bouleversant inspiré d’une histoire vraie.
Là où tu dors la nuit
Préface d’Yvon Le Men
Illustrations de Rachid Koraïchi
L’écriture du musicien-voyageur Titi Robin fait des allers-retours incessants entre l’intériorité de l’être et le monde. Elle exprime la société humaine et ses conflits, la violence des confrontations culturelles ou sociales et se mêle aux sentiments les plus enfouis. Par un effet d’écho ininterrompu et de miroir, elle rend mystérieuse et insaisissable la frontière entre ces deux pôles, cette ligne vibrante que l’auteur emprunte sans cesse sur le fil de la chair et de l’intime.
Ces textes puissants, l’auteur les récite lors de lectures musicales et certains sont repris dans l’album discographique Rebel Diwana. Au-delà des notes virtuoses, la poésie abolit les limites à la lumière des mots.