Notre autrice Olena Berezovska-Picciocchi, née en Ukraine, est professeure de Lettres dans un lycée à Porto-Vecchio. Elle a organisé une dédicace solidaire de son livre “Mazzeru corse et Molfar des Carpates, antiques personnages des légendes européennes” pour la Croix-Rouge au profit des Ukrainiens dans la librairie Le Verbe du Soleil qui reversera 5 % du montant de ses ventes en mars par solidarité. À cette occasion, Olena a été rejointe aussi par des Russes et des Biélorusses vivant en Corse qui tous témoignent de l’urgence d’arrêter la guerre.

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La violence dans son pays d’origine et celle dans son pays d’adoption lui inspire ces réflexions que nous relayons :
“Je reste plantée là, au beau milieu de la cour. Près d’un banc de notre lycée, je goûte l’agréable douceur du soleil matinal d’un mois de mars qui porte bien son nom. Nous sommes le jeudi 10 de l’an 2022, c’est la guerre en Ukraine, mon pays natal, ce sont les émeutes populaires en Corse, mon île d’adoption. C’est aussi la guerre de mythes : la Grande Russie contre sa petite sœur révoltée ; sauver le peuple frère de l’invasion nazie ; l’Ukraine héroïque, l’Ukraine sacrifiée ; Yvan Colonna : le martyre d’un bandit d’honneur pour la cause de la liberté. Mon verbe devient allergique aux hyperboles dont il abonde. Je les déverse aussi bien par la bouche que par les doigts. Sans pouvoir résister à cette avalanche de mots, j’entraîne tout un monde avec moi. Mon amie d’enfance est assise près de moi, on se raconte nos malheurs petits et grands. Ce sont nos plaintes d’Ukraine, notre mini Maïdan : les collègues passent et s’arrêtent pour nous parler. On devient ambassadrices d’une guerre qu’on vit par procuration comme le reste de notre planète. Pourtant, celle-ci ne s’arrête pas de tourner. Pourquoi le ferait-elle aujourd’hui s’il ne l’avait pas fait avant ? Alors on parle, on parle, on parle sous un arbre. L’arbre à palabres. Qu’adviendra-t-il de tous ces mots envolés ? Beaucoup de bruit pour rien ou une colombe de paix ? En attendant, je me sens vidée et remplis mon vide avec ce mince écrit.” Et quelques jours plus tard, dans sa classe vide de Porto-Vecchio : 

“Dans la cour vide d’un Lycée en Corse, deux hommes s’activent avec un balai et une charrette alors que de l’autre côté de la grille, les manifestations continuent. Dans ma classe vide de lycéens, ce lundi 14 mars 2022, j’écris ces mots en pensant à une autre image : une femme balaie une rue sans passants dans un pays dévasté par la guerre. On en parle aux informations nationales. Car c’est un acte de courage d’exercer une activité dans une ville morte”.