Le professeur d’histoire des sociétés arabes et berbères Pierre Vermeren de l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne a participé au Festival Quartier du Livre, la semaine culturelle de la mairie du 5e arrondissement parrainée cette année par l’écrivain Eric-Emmanuel Schmitt. Le vendredi 3 juin, il a échangé avec les premiers lecteurs et lectrices autour de l’ouvrage « Comment peut-on être Berbère ? Amnésie, renaissance, soulèvements », qu’il a dirigé en coordonnant plus d’une vingtaine de chercheurs et de spécialistes maghrébins et européens. Avant une interview sur Berbère TV, il est passé en direct sur la radio communautaire Numydia de l’Ohio, aux Etats-Unis. En fin d’après-midi, une présentation plus formelle et un débat ont réuni une cinquantaine de personnes dans un amphithéâtre de la Sorbonne. Plusieurs contributeurs ont pris la parole comme Mohand Tilmatine de l’Université de Cadix, venu d’Andalousie tout exprès ; Hamid Chabani qui animera une présentation le 14 juin au Centre Culturel Franco-Berbère de Drancy ; Melinda Seridj qui fait sa thèse avec Pierre Vermeren ou le cartographe Karim Chaïbi qui a redessiné « l’archipel berbère », soit un espace de 4 500 km de long (entre Tiguent en Mauritanie et Aghourmi en Egypte, l’oasis de Siwa) et 2500 km de large (entre Taghlamet au Maroc et agades au Niger). Et cela est sans compter la vaste diaspora jusqu’en Nouvelle-Calédonie avec les déportations du XIXe siècle. L’ouvrage entend être une contribution majeure à l’analyse historique et politique du « fait berbère » que contestent aujourd’hui les tenants du nationalisme arabe, de l’islamisme, mais aussi en Europe d’un certaine pensée décoloniale, voyant essentiellement dans le « fait berbère » une création du colonialisme français pour diviser le Maghreb. Et ignorant par là même, rien moins que des millénaires d’histoire… Un livre pour faire bouger les lignes !

Comment peut-on être Berbère ?
« Comment peut-on être Berbère ? » Cette question, calquée sur les Persans de Montesquieu, souligne l’étrangeté de la situation. Voici un très vieil ensemble de peuples du Bassin méditerranéen, dont la présence est attestée dans la région depuis la plus haute antiquité, mais dont l’existence ne cesse d’être combattue, contestée ou minorée aujourd’hui encore. Exclue par le nationalisme arabe des années 50 soufflant depuis Le Caire, combattue par les nouveaux Etats à l’Indépendance comme une invention du colonialisme français pour diviser les sociétés maghrébines, niée par l’islamisme financé par le Golfe depuis les années 70 ou par certains orientalistes actuels, la question berbère n’en a pas moins été posée de façon fracassante ces dernières décennies. Le printemps kabyle d’avril 1980 en Algérie, puis le mouvement des Arrouch en Kabylie au printemps 2001, la reconnaissance de la langue amazighe comme langue nationale au côté de l’arabe par le Maroc puis par l’Algérie, les « printemps arabes » de 2011 qui réveillent la question berbériste refoulée en Tunisie et en Libye jusqu’au nord Mali, dans l’Azawad peuplée de Berbères touarègues irrédentistes réclamant l’indépendance… Quels sont ces mouvements de libération des revendications populaires en
Afrique du Nord ? Comment ces revendications se traduisent-elles dans leur dimension culturelle et identitaire ? Quels visages, quelles significations L’ouvrage réunit ici les contributions de 22 experts et chercheurs du Maghreb et d’Europe ayant participé à un colloque à la Sorbonne en 2015 et au-delà. Il constitue un jalon essentiel dans les études berbères. Il apporte des pièces à conviction, mais aussi construit un chantier de réflexions relatif à la renaissance d’un fait culturel et social inédit, aux voies de son expression dans les espaces publics et sociaux de ses sociétés d’origine comme en situation de diaspora.