Voici le premier étage d’une fusée nommée Le droit international est-il mort à Gaza ?, l’essai très attendu du politiste Jérôme Heurtaux, dont le lancement, le 20 novembre à Riveneuve – une semaine avant la sortie en librairies – a réuni plus d’une quarantaine de diplomates (suisses et français), avocats, artistes (dont des Palestiniens), journalistes, citoyens et voisins-voisines, jusqu’à la maire du 14e arrondissement, Carine Petit. L’auteur s’est attaché à rappeler qu’à chaque crise majeure, et en dépit de son impuissance immédiate à arrêter les massacres ou à prévenir les génocides, le droit international se développe, se renforce, se complexifie du fait de la démultiplication des acteurs : juristes mais aussi ONG, journalistes et institutions internationales qui, avec les États, ont recours à un langage commun pour qualifier les faits et les traduire en termes juridiques ouvrant la voie à des poursuites. Florence Hartmann, qui a signé la préface, a pu témoigner qu’avant d’avoir été la porte-parole de la procureure du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), alors qu’elle couvrait la guerre des Balkans pour Le Monde, elle et ses confrères n’avaient aucune notion de droit international et qu’il avait fallu acquérir rapidement tous ces termes, savoir définir un crime de guerre, un crime contre l’humanité ou un génocide et la logique des procédures. Le seul moyen d’être compris partout, de sortir du brouillard ou des indéterminations du doute et, finalement, de tenir la dragée haute aux dirigeants imbus de leur puissance ou aux criminels ivres de leur impunité.


Noha Rishmawi, qui a longtemps travaillé à l’ambassade de Palestine en France et qui milite pour la libération de Marwan Barghouthi, a assuré que les Palestiniens n’avaient comme recours que le droit international, tandis que l’avocat Alain Monod, auteur d’une biographie de Vauban chez Riveneuve, s’est inquiété des applications contraignantes du droit international quand on suit les circonvolutions de certains dirigeants de pays pourtant signataires de toutes les conventions internationales et qui cherchent des biais pour ne pas arrêter Netanyahou s’il passait sur leur territoire alors qu’il est visé par un mandat d’arrêt de la CPI, ou pour poursuivre des livraisons de matériel militaire à Israël en dépit de la suspicion de génocide. La réponse est simple : le droit international est l’affaire de tous, et c’est notre mobilisation à tous, et notre pression sur nos dirigeants à le respecter, qui le renforcera et redonnera des couleurs aux Nations unies. C’est le droit encore qui, en France aussi, peut permettre de persévérer dans la tradition de la liberté d’expression au moment où une conférence sur la Palestine du grand historien Henry Laurens au Collège de France a été annulée puis déplacée à cause de groupes de pression pro-israéliens et du manque de sang-froid ou de l’abus de pouvoir du ministre de la Recherche. Céline Casali, qui participe à l’organisation d’un séminaire transdisciplinaire « Penser avec la Palestine » à l’ENS, constamment harcelé, a pu en témoigner. Il faut croire que l’État de droit n’est pas un état, mais un combat.

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