Au lendemain de la parution d’une tribune dans Le Monde dénonçant l’arrestation de l’avocat et ancien juge Ahmed Souab, et la veille des grandes manifestations du 1er mai, l’auteur prolifique de Notre ami Kais Saied, essai sur la démocrature tunisienne Hatem Nafti arborait un t-shirt à l’effigie de l’embastillé dans la librairie militante La Brèche (12e arrondissement de Paris). Présentant son dernier livre devant plus d’ une trentaine de personnes, l’essayiste soulignait le sens particulier qu’il y avait à décoder les mots d’un « pouvoir fasciste » qui utilise les mots de la « gauche radicale » en Tunisie dans un espace comme celui de cette librairie anticapitaliste. Après les condamnations à plusieurs dizaines d’année de prison pour projet terroriste d’une quarantaine d’opposants de tous bords (dont plusieurs Franco-Tunisiens ou Français comme l’improbable Bernard-Henri Levy !), l’arrestation sur des motifs absurdes de l’avocat vient confirmer la dérive despotique du régime, au-delà de la « dictature constitutionnelle » que permet toute démocratie en période d’exception (le fameux article 54 qui donne les pleins pouvoirs au président, conçu sur le modèle de l’article 16 de la Constitution française mais qui n’a été utilisé qu’exceptionnellement quand l’Etat était menacé par les officiers rebelles pendant la guerre d’Algérie). En Tunisie, l’exception est quotidienne depuis le coup d’Etat de 2021 et la nouvelle Constitution même est bloquée : si le président venait à être empêché pour une raison ou une autre, le deuxième personnage de l’Etat, le président de la Cour constitutionnelle, serait bien en peine de lui succéder… puisque la Cour n’a toujours pas été créée ! Pour autant, Kaïs Saïed garde le soutien de l’Etat profond, de l’administration (« je suis fils de l’administration » ont l’habitude de dire de nombreux fonctionnaires) qui sait gré à l’ancien professeur de droit, à défaut de le respecter, du moins de faire régner son ordre. L’auteur témoignait d’une interview en 2022 à la radio tunisienne par deux journalistes qui ironisaient sur son précédent livre Tunisie, vers un populisme autoritaire comme quoi la Tunisie n’était pas une dictature puisque précisément les livres de l’auteur étaient en vente libre dans les librairies et que l’auteur lui-même intervenait sur les ondes tunisiennes. Certes, mais aujourd’hui, ces deux journalistes sont en prison !
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