L’historienne et penseuse Sophie Bessis était l’invitée vendredi 15 novembre de la grande librairie du XVe arrondissement Le Divan pour exposer la thèse de son essai La Double impasse, L’Universel à l’épreuve des fondamentalismes religieux et marchand. Devant une quarantaine de personnes, celle qui l’avait initialement publié aux éditions La Découverte voici dix ans a souligné l’actualité brûlante de son propos aujourd’hui « qui n’a pas pris une ride » mais nécessitait essentiellement une mise à jour des exemples et des événements, à l’heure de l’urgence du réchauffement climatique, de la guerre en Ukraine et au Moyen-Orient, de l’élection de Trump… » L’hégémonie culturelle de la société de consommation (« Le Dieu marchand » parti de l’Occident mais qui a gagné le monde) couplée à la mondialisation économique crée partout de l’affolement identitaire : plus les frontières classiques se délitent sous l’effet de la mondialisation, plus les frontières symboliques se renforcent pour tenter de répondre à l’anomie créée par l’uniformisation ». Avec d’étonnantes compositions : « les régimes islamiques les plus conservateurs sont en même temps des temples du capitalisme mondialisé comme les monarchies du Golfe où cohabitent en toute harmonie la banque et le Coran ». Et que fait l’Occident dans ce maelström ? Il est pris plus que jamais dans la double contradiction de se référer toujours aux valeurs universelles des droits humains qu’il viole ou laisse violer systématiquement mais aussi de se dire la référence absolue en terme d’universalisme alors que le monde est en phase de décentrement conduisant même à une « provincialisation » de l’Europe, selon le propos d’un chercheur indien. Et le monde arabe que l’autrice a choisi d’analyser comme une métonymie du monde, avec sa révolution de 2010-2011 frappée partout d’échec, reste écartelé dans ses contradictions pour questionner la modernité. La réponse viendra-t-elle du Sud ? Elle adviendra assurément pour l’autrice grâce à tous celles et ceux, même minoritaires, partout sur le globe, qui partagent une vision commune du « genre humain » au-delà des spécificités de chacune de ses composantes.
